|
| COMPTE RENDU DE LA REUNION DU 11 DECEMBRE | |
| | Auteur | Message |
---|
Anaïs
Nombre de messages : 101 Age : 41 Date d'inscription : 07/06/2006
| Sujet: COMPTE RENDU DE LA REUNION DU 11 DECEMBRE Mar 12 Déc - 15:49 | |
| Amis transgénéticiens, bonjour. Etaient présents à la réunion d'hier : Alice, Manon, Mathias, Laurent, Virginie et moi-même. Textes ajoutés à notre sélection :- Un poème issu de "La mort viendra et elle aura tes yeux", de Cesare Pavese (lu par Alice en italien et français). - Des extraits de "L'Attente L'oubli" et de "L'écriture du désastre" de Maurice Blanchot. Le premier extrait est un dialogue entre un homme et une femme ; le second serait intéressant à placer comme un commentaire (ou un verdict) juste après la dernière lettre de Napoléon à Joséphine (dit par une sorte de choryphée). - La soupe aux câpres sans câpres (cf.antépénultième CR) de P.Dac, à jouer à 2 (dont un muet acquiescant) de manière extrèmement sérieuse. Nous avons poursuivi notre sélection de fables fraîches.Mathias a émi l'idée que nous pourrions mettre de côté les phrases ou mini-bouts de texte que nous aimons bien sans forcément vouloir garder ce qu'il y a autour. A mon sens, il serait intéressant de se servir de ces bouts comme base pour un prochain atelier d'écriture, dont le résultat pourrait éventuellement nourrir le spectacle. Nous avons réfléchi à des idées de mise en scène, par exemple : - illustrer un texte par un tableau vivant (qui se met lentement et chorégraphiquement en place, dans lequel on peut déambuler, etc) - chanter un texte comme un dialogue d'opéra (cela pourrait être fait par Coralie, Mathilde et Laurent) - commencer le spectacle par un moment énergique à dimension burlesque et/ou par un musicien et quelques pas de danse - réduire au maximum les éléments de décor : pour Laurent, si table de la cartomancienne il y a, celle-ci doit rester sur scène pendant toute la durée du spectacle. - entracte ou pas ? à voir selon la durée totale des textes choisis. L'intérêt (tout matériel...) d'un entracte serait de permettre la vente de twix et autres sandwiches pour contribuer au financement de l'assoce. De là, il est possible de jouer sur la frontière entre spectacle et réalité à partir, par exemple, du personnage du vendeur de twix. Et pourquoi pas les vendre directement sur la table de la cartomancienne? - dérouler des commentaires ou un générique sur un gros rouleau de tissu (comme un essuie-main géant) - mettre l'épisode chips après qqch de particulièrement sérieux Chacun a commencé à exprimer ses souhaits : qui veut jouer quel type de texte, etc. De manière à ce que tout le monde soit en mesure de dire ce qui l'intéresse et que l'on commence le travail concret, il est absolument nécessaire que chacun rassemble les textes en sa possession et les mette en ligne sur le forum. Certains sont trouvables sur internet (d'où gain de temps), pour les autres je vous invite à les re-taper (ce qui permet de les assimiler). En cas de besoin, je peux fournir un scanner + logiciel de reconnaissance de texte. Il faut que nous ayions tous les textes en main et en tête pour la prochaine réunion que nous avons fixée au 27 décembre, chez moi. Avant cela, je vous propose d'aller voir Sizwe Banzi est mort le 20 décembre à 21h aux Bouffes du Nord (http://www.bouffesdunord.com/saison_fiche.cfm?id=32512). Si cela vous agrée, nous pourrions nous retrouver chez moi en début de soirée (vers 18h), manger un morceau (à l'anglaise), réfléchir au projet et scanner les textes qui doivent l'être. Comme ça, on aura tout le temps pour débattre de la pièce après (si possible en essayant d'en tirer quelque substantifique moëlle pour nourrir notre projet. Voilà l'essentiel. J'ai fait ce compte rendu de mémoire, n'hésitez donc pas à ajouter votre grain de sel si j'ai oublié quelque chose en route. All yours, | |
| | | Alice
Nombre de messages : 36 Localisation : 100 mètres au-dessus de Paris Date d'inscription : 07/06/2006
| Sujet: Pavese: Verrà la morte - Wind of March Mer 13 Déc - 0:19 | |
| Voici en italien puis en français.
Verrà la morte e avrà i tuoi occhi questa morte che ci accompagnad al mattino alla sera, insonne, sorda, come un vecchio rimorso o un vizio assurdo. I tuoi occhi saranno una vana parola, un grido taciuto, un silenzio. Cosí li vedi ogni mattina quando su te sola ti pieghi nello specchio. O cara speranza, quel giorno sapremo anche noi che sei la vita e sei il nulla. Per tutti la morte ha uno sguardo. Verrà la morte e avrà i tuoi occhi. Sarà come smettere un vizio, come vedere nello specchio riemergere un viso morto, come ascoltare un labbro chiuso. Scenderemo nel gorgo muti. 22 marzo '50
La mort viendra et elle aura tes yeux – cette mort qui est notre compagne du matin jusqu'au soir, sans sommeil, sourde, comme un vieux remords ou un vice absurde. Tes yeux seront une vaine parole, un cri réprimé, un silence. Ainsi les vois-tu le matin quand sur toi seule tu te penches au miroir. O chère espérance, ce jour-là nous saurons nous aussi que tu es la vie et que tu es le néant. La mort a pour tous un regard. La mort viendra et elle aura tes yeux. Ce sera comme cesser un vice, comme voir resurgir au miroir un visage défunt, comme écouter des lèvres closes. Nous descendrons dans le gouffre muets. 22 mars 1950
Sei la vita e la morte. Sei venuta di marzo sulla terra nuda ‒il tuo brivido dura. Sangue di primavera ‒ anemone o nube ‒ il tuo passo leggero ha violato la terra. Ricomincia il dolore. Il tuo passo leggero ha riaperto il dolore. Era fredda la terra sotto povero cielo, era immobile e chiusa in un torpido sogno, come chi piú non soffre. Anche il gelo era dolce dentro il cuore profondo. Tra la vita e la morte la speranza taceva. Ora ha una voce e un sangue ogni cosa che vive. Ora la terra e il cielo sono un brivido forte, la speranza li torce, li sconvolge il mattino, li sommerge il tuo passo, il tuo fiato d'aurora. Sangue di primavera, tutta la terra trema di un antico tremore. Hai riaperto il dolore. Sei la vita e la morte. Sopra la terra nuda sei passata leggera come rondine o nube, il torrente del cuore si è ridestato e irrompe e si specchia nel cielo e rispecchia le cose ‒ e le cose, nel cielo e nel cuore soffrono e si contorcono nell'attesa di te. È il mattino, è l'aurora, sangue di primavera, tu hai violato la terra. La speranza si torce, e ti attende ti chiama. Sei la vita e la morte. Il tuo passo è leggero. 25 marzo '50
Tu es la vie et la mort, Tu es venue en mars sur la terre nue - et ton frisson dure. Sang de printemps - anémone ou nuage - ton pas léger a violé la terre. La douleur recommence. Ton pas léger a rouvert la douleur. La terre était froide sous un pauvre ciel, immobile et fermée dans la torpeur d'un rêve, comme après la souffrance. Et la glace était douce dans le coeur profond. Entre vie et mort l'espoir se taisait. Maintenant ce qui vit a une voix et un sang. Maintenant terre et ciel sont un frisson puissant, l'espérance les tord, le matin les bouleverse, ton pas et ton haleine d'aurore les submergent. Sang de printemps, toute la terre tremble d'un ancien tremblement. Tu as rouvert la douleur. Tu es la vie et la mort. Sur la terre nue, tu es passée légère, hirondelle ou nuage, et le torrent du coeur s'est réveillé, déferle, se reflète dans le ciel et reflète les choses - et les choses, dans le ciel, dans le coeur, souffrent et se tordent dans l'attente de toi. C'est le matin, l'aurore, sang de printemps, tu as violé la terre. L'espérance se tord, et t'attend et t'appelle. Tu es la vie et la mort. Ton pas est léger. 25 mars 1950. | |
| | | manon
Nombre de messages : 13 Date d'inscription : 22/06/2006
| Sujet: Paul Celan, "Todesfuge", 1945 (allemand puis fran Mer 13 Déc - 14:10 | |
| "Todesfuge"
Schwarze Milch der Frühe wir trinken sie abends wir trinken sie mittags und morgens wir trinken sie nachts wir trinken und trinken wir schaufeln ein Grab in den Lüften da liegt man nicht eng Ein Mann wohnt im Haus der spielt mit den Schlangen der schreibt der schreibt wenn es dunkelt nach Deutschland dein goldenes Haar Margarete er schreibt es und tritt vor das Haus und es blitzen die Sterne er pfeift seine Rüden herbei er pfeift seine Juden hervor läßt schaufeln ein Grab in der Erde er befiehlt uns spielt auf nun zum Tanz
Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts wir trinken dich morgens und mittags wir trinken dich abends wir trinken und trinken Ein Mann wohnt im Haus der spielt mit den Schlangen der schreibt der schreibt wenn es dunkelt nach Deutschland dein goldenes Haar Margarete Dein aschenes Haar Sulamith wir schaufeln ein Grab in den Lüften da liegt man nicht eng
Er ruft stecht tiefer ins Erdreich ihr einen ihr andern singet und spielt er greift nach dem Eisen im Gurt er schwingts seine Augen sind blau stecht tiefer die Spaten ihr einen ihr andern spielt weiter zum Tanz auf
Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts wir trinken dich mittags und morgens wir trinken dich abends wir trinken und trinken ein Mann wohnt im Haus dein goldenes Haar Margarete dein aschenes Haar Sulamith er spielt mit den Schlangen
Er ruft spielt süßer den Tod der Tod ist ein Meister aus Deutschland er ruft streicht dunkler die Geigen dann steigt ihr als Rauch in die Luft dann habt ihr ein Grab in den Wolken da liegt man nicht eng
Schwarze Milch der Frühe wir trinken dich nachts wir trinken dich mittags der Tod ist ein Meister aus Deutschland wir trinken dich abends und morgens wir trinken und trinken der Tod ist ein Meister aus Deutschland sein Auge ist blau er trifft dich mit bleierner Kugel er trifft dich genau ein Mann wohnt im Haus dein goldenes Haar Margarete er hetzt seine Rüden auf uns er schenkt uns ein Grab in der Luft er spielt mit den Schlangen und träumet der Tod ist ein Meister aus Deutschland
dein goldenes Haar Margarete dein aschenes Haar Sulamith
"Fugue de mort"
Lait noir de l’aube nous le buvons le soir le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit nous buvons et buvons nous creusons dans le ciel une tombe où l’on est pas serré Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d’or écrit ces mots s’avance sur le seuil et les étoiles tressaillent il siffle ses grands chiens il siffle il fait sortir ses juifs et creuser dans la terre une tombe il nous commande allons jouez pour qu’on danse
Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit te buvons le matin puis à midi nous te buvons le soir nous buvons et buvons Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d’or Tes cheveux cendre Sulamith nous creusons dans le ciel une tombe où l’on est pas serré
Il crie enfoncez plus vos bêches dans la terre vous autres et vous chantez jouez il attrape le fer à sa ceinture il le brandit ses yeux sont bleus enfoncez plus les bêches vous autres et vous jouez encore pour qu’on danse
Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit Te buvons à midi et le matin nous te buvons le soir Nous buvons et buvons un homme habite la maison Margarete tes cheveux d’or tes cheveux cendre Sulamith il joue avec les serpents
Il crie jouez plus douce la mort la mort est un maître d’Allemagne il crie plus sombres les archets et votre fumée montera vers le ciel vous aurez une tombe alors dans les nuages où l’on est pas serré
Lait noir de l’aube nous te buvons la nuit te buvons à midi la mort est un maître d’Allemagne nous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvons la mort est un maître d’Allemagne son œil est bleu il t’atteint d’une balle de plomb il ne te manque pas un homme habite la maison Margarete tes cheveux d’or il lance ses grands chiens sur nous il nous offre une tombe dans le ciel il joue avec les serpents et rêve la mort est un maître d’Allemagne
tes cheveux d’or Margarete tes cheveux cendre Sulamith | |
| | | manon
Nombre de messages : 13 Date d'inscription : 22/06/2006
| Sujet: Saint John Perse E[u]loges[/u] "Pour fêter une enfance& Lun 18 Déc - 19:36 | |
| (humph... tous les retraits ont sauté.... je tiens la photocopie du texte nrf -donc mis en page dans les règles de l'art- à votre disposition) I
Palmes... ! Alors on te baignait dans l'eau-de-feuilles-vertes ; et l'eau encore était du soleil vert ; et les servantes de ta mère, grandes filles luisantes, remuaient leurs jambes chaudes près de toi qui tremblais... (Je parle d'une haute condition, alors, entre les robes, au règne de tournantes clartés.) Palmes ! et la douceur d'une vieillesse des racines... ! La terre alors souhaita d'être plus sourde, et le ciel plus profond, où des arbres trop grands, las d'un obscur dessein, nouaient un pacte inextricable... (J'ai fait ce songe, dans l'estime : un sûr séjour entre les toiles enthousiastes.)
Et les hautes racines courbes célébraient l'en allée des voies prodigieuses, l'invention des voûtes et des nefs, et la lumière alors, en de plus purs exploits féconde, inaugurait le blanc royaume où j'ai mené peut-être un corps sans ombre... (Je parle d'une haute condition, jadis, entre des hommes et leurs filles, et qui mâchaient de telle feuille.)
Alors, les hommes avaient une bouche plus grave, les femmes avaient des bras plus lents ; alors, de se nourrir comme nous de racines, de grandes bêtes taciturnes s'ennoblissaient ; et plus longues sur plus d'ombre se levaient les paupières... (J'ai fait ce songe, il nous a consumés sans reliques.)
II
Et les servantes de ma mère, grandes filles luisantes... Et nos paupières fabuleuses... Ô clartés ! ô faveurs ! Appelant toute chose, je récitai qu'elle était grande, appelant toute bête, qu'elle était belle et bonne. Ô mes plus grandes fleurs voraces, parmi la feuille rouge, à dévorer tous mes plus beaux insectes verts ! Les bouquets au jardin sentaient le cimetière de famille. Et une très petite sœur était morte : j'avais eu, qui sent bon, son cercueil d'acajou entre les glaces de trois chambres. Et il ne fallait pas tuer l'oiseau mouche d'un caillou... Mais la terre se courbait dans nos jeux comme fait la servante, celle qui a droit à une chaise si l'on se tient dans la maison.
... Végétales ferveurs, ô clartés ô faveurs !... Et puis ces mouches, cette sorte de mouches, vers le dernier étage du jardin, qui étaient comme si la lumière eût chanté !
... Je me souviens du sel, je me souviens du sel que la nourrice jaune dut essuyer à l'angle de mes yeux. Le sorcier noir sentenciait à l'office : "Le monde est comme une pirogue, qui, tournant et tournant, ne sait plus si le vent voulait rire ou pleurer..." Et aussitôt mes yeux tâchaient à peindre un monde balancé entre les eaux brillantes, connaissaient le mât lisse des fûts, la hune sous les feuilles, et les guis et les vergues, les haubans de liane, où trop longues, les fleurs s'achevaient en des cris de perruches.
III
... Puis ces mouches, cette sorte de mouches, et le dernier étage du jardin... On appelle. J'irai... Je parle dans l'estime. — Sinon l'enfance, qu'y avait-il alors qu'il n'y a plus ? Plaines ! Pentes ! Il y avait plus d'ordre ! Et tout n'était que règnes et confins de lueurs. Et l'ombre et la lumière alors étaient plus près d'être une même chose... Je parle d'une estime... Aux lisières le fruit pouvait choir sans que la joie pourrît au rebord de nos lèvres. Et les hommes remuaient plus d'ombre avec une bouche plus grave, les femmes plus de songe avec des bras plus lents. ... Croissent mes membres, et pèsent, nourris d'âge ! Je ne connaîtrai plus qu'aucun lieu de moulins et de cannes, pour le songe des enfants, fût en eaux vives et chantantes ainsi distribué... À droite on rentrait le café, à gauche le manioc (ô toiles que l'on plie, ô choses élogieuses !) Et par ici étaient les chevaux bien marqués, les mulets au poil ras, et par là-bas les bœufs ; ici les fouets, et là le cri de l'oiseau Annaô — et là encore la blessure des cannes au moulin. Et un nuage violet et jaune, couleur d'icaque, s'il s'arrêtait soudain à couronner le volcan d'or, appelait-par-leur-nom, du fond des cases, les servantes ! Sinon l'enfance, qu'y avait-il alors qu'il n'y a plus ?...
IV
Et tout n'était que règnes et confins de lueurs. Et les troupeaux montaient, les vaches sentaient le sirop-de-batterie... Croissent mes membres et pèsent, nourris d'âge ! Je me souviens des pleurs d'un jour trop beau dans trop d'effroi, dans trop d'effroi ! ... du ciel blanc, ô silence ! qui flamba comme un regard de fièvre... Je pleure, comme je pleure, au creux de vieilles douces mains...
Oh ! c'est un pur sanglot, qui ne veut être secouru, oh ! ce n'est que cela, et qui déjà berce mon front comme une grosse étoile du matin. ... Que ta mère, était belle, était pâle lorsque si grande et lasse, à se pencher, elle assurait ton lourd chapeau de paille ou de soleil, coiffé d'une double feuille de siguine, et que, perçant un rêve aux ombres dévoué, l'éclat des mousselines inondait ton sommeil !
... Ma bonne était métisse et sentait le ricin ; toujours j'ai vu qu'il y avait les perles d'une sueur brillante sur son front, à l'entour de ses yeux — et si tiède, sa bouche avait le goût des pommes-rose, dans la rivière, avant midi.
... Mais de l'aïeule jaunissante et qui si bien savait soigner la piqûre des moustiques, je dirai qu'on est belle, quand on a des bas blancs, et que s'en vient, par la persienne, la sage fleur de feu vers vos longues paupières d'ivoire.
... Et je n'ai pas connu toutes Leurs voix, et je n'ai pas connu toutes les femmes, tous les hommes qui servaient dans la haute demeure de bois ; mais pour longtemps encore j'ai mémoire des faces insonores, couleur de papaye et d'ennui, qui s'arrêtaient derrière nos chaises comme des astres morts.
V
... Ô ! j'ai lieu de louer ! Mon front sous des mains jaunes, mon front, te souvient-il des nocturnes sueurs ? du minuit vain de fièvre et d'un goût de citerne ? et des fleurs d'aube bleue à danser sur les criques du matin et de l'heure midi plus sonore qu'un moustique, et des flèches lancées par la mer de couleurs... ? Ô j'ai lieu ! ô j’ai lieu de louer ! Il y avait à quai de hauts navires à musique. Il y avait des promontoires de campêches ; des fruits de bois qui éclataient... Mais qu'a-t-on fait des hauts navires à musique qu'il y avait à quai ? Palmes... ! Alors une mer plus crédule et hantée d'invisibles départs, étagée comme un ciel au-dessus des vergers, se gorgeait de fruits d'or, de poissons violets et d'oiseaux. Alors, des parfums plus affables, frayant aux cimes les plus fastes, ébruitaient ce souffle d'un autre âge, et par le seul artifice du cannelier au jardin de mon père — ô feintes ! glorieux d'écailles et d'armures un monde trouble délirait.
(...Ô j'ai lieu de louer ! Ô fable généreuse, ô table d'abondance !)
VI
Palmes ! et sur la craquante demeure tant de lances de flamme !
... Les voix étaient un bruit lumineux sous-le-vent... La barque de mon père, studieuse, amenait de grandes figures blanches : peut-être bien, en somme, des Anges dépeignés ; ou bien des hommes sains, vêtus de belle toile et casqués de sureau (comme mon père, qui fut noble et décent).
... Car au matin, sur les champs pâles de l'Eau nue, au long de l'Ouest, j'ai vu marcher des Princes et leurs Gendres, des hommes d'un haut rang, tous bien vêtus et se taisant, parce que la mer avant midi est un Dimanche où le sommeil a pris le corps d'un Dieu, pliant ses jambes. Et des torches, à midi, se haussèrent pour mes fuites. Et je crois que des Arches, des Salles d'ébène et de fer-blanc s'allumèrent chaque soir au songe des volcans, à l'heure où l'on joignait nos mains devant l'idole à robe de gala.
Palmes ! et la douceur d'une vieillesse des racines... ! Les souffles alizés, les ramiers et la chatte marronne trouaient l'amer feuillage où, dans la crudité d'un soir au parfum de Déluge, les lunes roses et vertes pendaient comme des mangues.
* ... Or les Oncles parlaient bas à ma mère. Ils avaient attaché leur cheval à la porte. Et la Maison durait, sous les arbres à plumes.
1907. | |
| | | manon
Nombre de messages : 13 Date d'inscription : 22/06/2006
| Sujet: Saint John Perse, [u]Amers[/u], "Strophe" Mer 20 Déc - 15:39 | |
| IX
Étroits sont les vaisseaux Amants, ô tard venus parmi les marbres et les bronzes, dans l’allongement des premiers feux du soir, Amants qui vous taisiez au sein des foules étrangères, Vous témoignerez aussi ce soir en l’honneur de la Mer : I … Étroits sont les vaisseaux, étroite notre couche. Immense l’étendue des eaux, plus vaste notre empire Aux chambres closes du désir. Entre l’Été, qui vient de mer. À la mer seule, nous dirons Quels étrangers nous fûmes aux fêtes de la Ville, et quel astre montant des fêtes sous-marines S’en vint un soir, sur notre couche, flairer la couche du divin. En vain la terre proche nous trace sa frontière. Une même vague par le monde, une même vague depuis Troie Roule sa hanche jusqu’à nous. Au très grand large loin de nous fut imprimé jadis ce souffle… Et la rumeur un soir fut grande dans les chambres : la mort elle-même, à son de conques, ne s’y ferait point entendre ! Aimez, ô couples, les vaisseaux ; et la mer haute dans les chambres ! La terre un soir pleure ses dieux, et l’homme chasse aux bêtes rousses ; les villes s’usent, les femmes songent… Qu’il y ait toujours à notre porte Cette aube immense appelée mer ― élite d’ailes et levée d’armes, amour et mer de même lit, amour et mer au même lit ― et ce dialogue encore dans les chambres : II I ― « … Amour, amour, qui tiens si haut le cri de ma naissance, qu’il est de mer en marche vers l’amante ! Vigne foulée sur toutes grèves, bienfait d’écume en toute chair, et chant de bulles sur les sables… Hommage, hommage à la Vivacité divine ! « Toi, l’homme avide, me dévêts : maître plus calme qu ‘à son bord le maître du navire. Et tant de toile se défait, il n’est plus femme qu’agréée. S’ouvre l’Été, qui vit de mer. Et mon cœur t’ouvre femme plus fraîche que l’eau verte : semence et sève de douceur, l’acide avec le lait mêlé, le sel avec le sang très vif, et l’or et l’iode, et la saveur aussi du cuivre et son principe d’amertume ― toute la mer en moi portée comme dans l’urne maternelle… « Et sur la grève de mon corps l’homme né de mer s’est allongé. Qu’il rafraîchisse son visage à même la source sous les sables ; et se réjouisse sur mon aire, comme le dieu tatoué de fougère mâle… Mon amour, as-tu soif ? Je suis femme à tes lèvres plus neuve que la soif. Et mon visage entre tes mains comme aux mains fraîches du naufrage, ah ! qu’il te soit dans la nuit chaude fraîcheur d’amande et saveur d’aube, et connaissance première du fruit sur la rive étrangère. « J’ai rêvé, l’autre soir, d’îles plus vertes que le songe… Et les navigateurs descendent au rivage en quête d’une eau bleue; ils voient ― c’est le reflux ― le lit refait des sables ruisselants : la mer arborescente y laisse , s’enlisant, ces pures empreintes capillaires, comme de grandes palmes suppliciées, de grandes filles extasiées qu’elle couche en larmes dans leurs pagnes et dans leurs tresses dénouées. « Et ce sont là figurations du songe. Mais toi l’homme au front droit, couché dans la réalité du songe, tu bois à même la bouche ronde, et sais son revêtement punique : chair de grenade et cœur d’oponce, figue d’Afrique et fruit d’Asie… Fruits de la femme, ô mon amour, sont plus que fruits de mer : de moi non peinte ni parée, reçois les arrhes de l’Été de mer… » 2 ― « … Au cœur de l’homme, solitude. Étrange l’homme, sans rivage, près de la femme, riveraine. Et mer moi-même à ton orient, comme à ton sable d’or mêlé, que j’aille encore et tarde, sur ta rive, dans le déroulement très lent de tes anneaux d’argile ― femme qui se fait et se défait avec la vague qui l’engendre… « Et toi plus chaste d’être plus nue, de tes seules mains vêtue, tu n’es point Vierge des grands fonds, Victoire de bronze ou de pierre blanche que l’on ramène, avec l’amphore, dans les grandes mailles chargées d’algues des tâcherons de mer; mais chair de femme à mon visage, chaleur de femme sous mon flair, et femme qu’éclaire son arôme comme la flamme de feu rose entre les doigts mi-joints. « Et comme le sel est dans le blé, la mer en toi dans son principe, la chose en toi qui fut de mer, t’a fait ce goût de femme heureuse et qu’on approche… Et ton visage est renversé, ta bouche est fruit à consommer, à fond de barque, dans la nuit. Libre mon souffle sur ta gorge, et la montée, de toutes parts, des nappes du désir, comme aux marées de lune proche, lorsque la terre femelle s’ouvre à la mer salace et souple, ornée de bulles, jusqu’en ses mares, ses maremmes, et la mer haute dans l’herbage fait son bruit de noria, la nuit est pleine d’éclosions… « Ô mon amour au goût de mer, que d’autres paissent loin de mer l’églogue au fond des vallons clos ― menthes, mélisse et mélilot, tiédeurs d’alysse et d’origan ― et l’un y parle d’abeillage et l’autre y traite d’agnelage, et la brebis feutrée baise la terre au bas des murs de pollen noir. Dans le temps où les pêches se nouent, et les liens sont triés pour la vigne, moi j’ai tranché le nœud de chanvre qui tient la coque sur son ber, à son berceau de bois. Et mon amour est sur les mers ! et ma brûlure est sur les mers !… « Étroits sont les vaisseaux, étroite l’alliance; et plus étroite ta mesure, ô corps fidèle de l’Amante… Et qu’est ce corps lui-même, qu’image et forme du navire ? nacelle et nave, et nef votive, jusqu’en son ouverture médiane; instruit en forme de carène, et sur ses courbes façonné, ployant le double arceau d’ivoire au vœu des courbes nées de mer… Les assembleurs de coques, en tout temps, ont eu cette façon de lier la quille au jeu des couples et varangues. « Vaisseau, mon beau vaisseau, qui cède sur ses couples et porte la charge d’une nuit d’homme, tu m’es vaisseau qui porte roses. Tu romps sur l ‘eau chaîne d’offrandes. Et nous voici, contre la mort, sur les chemins d’acanthes noires de la mer écarlate… Immense l’aube appelée mer, immense l’étendue des eaux, et sur la terre faite songe à nos confins violets, toute la houle au loin qui lève et se couronne d’hyacinthes comme un peuple d’amants ! « Il n’est d’usurpation plus haute qu’au vaisseau de l’amour. » | |
| | | manon
Nombre de messages : 13 Date d'inscription : 22/06/2006
| Sujet: Aimé Césaire, [u]Les armes miraculeuses[/u] Jeu 21 Déc - 12:49 | |
| "LES ARMES MIRACULEUSES" Le grand coup de machette du plaisir rouge en plein front il y avait du sang et cet arbre qui s’appelle flamboyant et qui ne mérite jamais mieux ce nom –là que les veilles de cyclone et de villes mises à sac le nouveau sang la raison rouge tous les mots de toutes les langues qui signifient mourir de soif et seul quand mourir avait le goût du pain et la terre et la mer un goût d’ancêtre et cet oiseau qui me crie de ne pas me rendre et la patience des hurlements à chaque détour de ma langue la plus belle arche et qui est un jet de sang la plus belle arche et qui est un cerne lilas la plus belle arche et qui s’appelle la nuit et la beauté anarchiste de tes bras mis en croix et la beauté eucharistique et qui flambe de ton sexe au nom duquel je saluais le barrage de mes lèvres violentes il y avait la beauté des minutes qui sont les bijoux au rabais du bazar de la cruauté le soleil des minutes et leur joli museau de loup que la faim fait sortir du bois la croix-rouge des minutes qui sont les murènes en marche vers les viviers et les saisons et les fragilités immenses de la mer qui est un oiseau fou cloué feu sur la porte des terres cochères il y avait jusqu’à la peur telle que le récit de juillet des crapauds de l’espoir et du désespoir élagués d’astres au-dessus des eaux là où la fusion des jours qu’assure le borax fait raison des veilleuses gestantes les fornications de l’herbe à ne pas contempler sans précaution les copulations de l’eau reflétées par le miroir des mages les bêtes marines à prendre dans le creux du plaisir les assauts de vocables tous sabords fumants pour fêter la naissance de l’héritier mâle en instance parallèle avec l’apparition des prairies sidérales au flanc de la bourse aux volcans d’agaves d’épaves de silence le grand parc muet avec l’agrandissement silurien de jeux muets aux détresses impardonnables de la chair de bataille selon le dosage toujours à refaire des germes à détruire scolopendre scolopendre jusqu’à la paupière des dunes sur les villes interdites frappées de la colère de Dieu scolopendre scolopendre jusqu’à la débâcle crépitante et grave qui jette les villes naines à la tête des chevaux les plus fougueux quand en plein sable elles lèvent leur herse sur les forces inconnues du déluge scolopendre scolopendre crête crête cimaise déferle déferle en sabre en crique en village endormi sur ses jambes de pilotis et des saphènes d’eau lasse dans un moment il y aura la déroute des silos flairés de près le hasard face de puits condottiere à cheval avec pour armure les flaques artésiennes et les petites cuillers des routes libertines face de vent face utérine et lémure avec des doigts creusés dans les monnaies et la nomenclature chimique et la chair retournera ses grandes feuilles bananières que le vent des bouges hors les étoiles qui signalent la marche à reculons des blessures de la nuit vers les déserts de l’enfance feindra de lire dans un instant il y aura le sang versé où les vers luisants tirent les chaînettes des lampes électriques pour la célébration des compitales et les enfantillages de l’alphabet des spasmes qui fait les grandes ramures de l’hérésie ou de la connivence il y aura le désintéressement des paquebots du silence qui sillonnent jour et nuit les cataractes de la catastrophe aux environs des tempes savantes en transhumance et la mer rentrera ses petites paupières de faucon et tu tâcheras de saisir le moment le grand feudataire parcourra son fief à la vitesse d’or fin du désir sur les routes à neurones regarde bien le petit oiseau s’il n’a pas avalé l’étole le grand roi ahuri dans la salle pleine d’histoires adorera ses mains très nettes ses mains dressées au coin du désastre alors la mer rentrera dans ses petits souliers prends bien garde de chanter pour ne pas éteindre la morale qui est la monnaie obsidionale des villes privées d’eau et de sommeil alors la mer se mettra à table tout doucement et les oiseaux chanteront tout doucement dans les bascules du sel la berceuse congolaise que les soudards m’ont désapprise mais que la mer très pieuse des boîtes crâniennes conserve sur ses feuillets rituels scolopendre scolopendre jusqu’à ce que les chevauchées courent la prétentaine aux prés salés d’abîmes avec aux oreilles riche de préhistoire le bourdonnement humain scolopendre scolopendre tant que nous n’aurons pas atteint la pierre sans dialecte la feuille sans donjon l’eau frêle sans fémur le péritoine séreux des soirs de source | |
| | | manon
Nombre de messages : 13 Date d'inscription : 22/06/2006
| Sujet: Aimé Césaire, [u]Les armes miraculeuses [/u] Jeu 21 Déc - 13:02 | |
| « Le cristal automatique »
allo allo encore une nuit pas la peine de chercher c’est moi l’homme des cavernes il y a les cigales qui étourdissent leur vie comme leur mort il y a aussi l’eau verte des lagunes même noyé je n’aurai jamais cette couleur-là pour penser à toi j’ai déposé tous mes mots au mont-de-piété un fleuve de traîneaux de baigneuses dans le courant de la journée blonde comme le pain et l’alcool de tes seins allo allo je voudrais être à l’envers clair de la terre le bout de tes seins a la couleur et le goût de cette terre-là allo allo encore une nuit il y a la pluie et ses doigts de fossoyeur il y a la pluie qui met ses pieds dans le plat sur les toits la pluie a mangé le soleil avec des baguettes de chinois allo allo l’accroissement du cristal c’est toi… c’est toi ô absente dans le vent et baigneuse de lombric quand viendra l’aube c’est toi qui poindras tes yeux de rivière sur l’émail bougé des îles et dans ma tête c’est toi le maguey éblouissant d’un ressac d’aigles sous le banian | |
| | | manon
Nombre de messages : 13 Date d'inscription : 22/06/2006
| Sujet: Aimé Césaire [u]Cahier d'un retour au pays natal[/ -extrait Jeu 21 Déc - 14:13 | |
| mais est-ce qu'on tue le Remords, beau comme la face de stupeur d'une dame anglaise qui trouverait dans sa soupière un crâne de Hottentot?
Je retrouverais le secret des grandes communications et des grandes combustions. Je dirais orage. Je dirais fleuve. Je dirais tornade. Je dirais feuille. Je dirais arbre. Je serais mouillé de toutes les pluies, humecté de toutes les rosées. Je roulerais comme du sang frénétique sur le courant lent de l'oeil des mots en chevaux fous en enfants frais en caillots en couvre-feu en vestiges de temple en pierres précieuses assez loin pour décourager les mineurs. Qui ne me comprendrait pas ne comprendrait pas davantage le rugissement du tigre. Et vous fantômes montez bleus de chimie d'une forêt de bêtes traquées de machines tordues d'un jujubier de chairs pourries d'un panier d'huîtres d'yeux d'un lacis de lanières découpées dans le beau sisal d'une peau d'homme j'aurais des mots assez vastes pour vous contenir et toi terre tendue terre saoule terre grand sexe levé vers le soleil terre grand délire de la mentule de Dieu terre sauvage montée des resserres de la mer avec dans la bouche une touffe de cécropies terre dont je ne puis comparer la face houleuse qu'à la forêt vierge et folle que je souhaiterais pouvoir en guise de visage montrer aux yeux indéchiffreurs des hommes
Il me suffirait d'une gorgée de ton lait jiculi pour qu'en toi je découvre toujours à même distance de mirage - mille fois plus natale et dorée d'un soleil que n'entame nul prisme - la terre où tout est libre et fraternel, ma terre. | |
| | | Anaïs
Nombre de messages : 101 Age : 41 Date d'inscription : 07/06/2006
| Sujet: Michaux and co Jeu 21 Déc - 17:25 | |
| | |
| | | manon
Nombre de messages : 13 Date d'inscription : 22/06/2006
| Sujet: Aimé Césaire, [u]Cahier d'un retour au pays natal[/u], (2) Ven 22 Déc - 15:43 | |
| Naïs,
j'étais déjà tombée sur ce blog intéressant, que dirais tu de faie tout bonnement pareil ? par contre, j'attends avec impatience d'avoir un accès internet un peu plus prodigue pour accéder au second lien !
Aimé Césaire - Extrait de " Cahier d'un retour au pays natal "
Et le temps passait vite, très vite. Passés août où les manguiers pavoisent de toutes leurs lunules, septembre l'accoucheur de cyclones, octobre le flambeur de cannes, novembre qui ronronne aux distilleries, c'était Noël qui commençait. Il s'était annoncé d'abord Noël par un picotement de désirs, une soif de tendresses neuves, un bourgeonnement de rêves imprécis, puis il s'était envolé tout à coup dans le froufrou violet de ses grandes ailes de joie, et alors c'était parmi le bourg sa vertigineuse retombée qui éclatait la vie des cases comme une grenade trop mûre. Noël n'était pas comme toutes les fêtes. Il n'aimait pas à courir les rues, à danser sur les places publiques, à s'installer sur les chevaux de bois, à profiter de la cohue pour pincer les femmes, à lancer des feux d'artifice au front des tamariniers. Il avait l'agoraphobie, Noël. Ce qu'il fallait c'était toute une journée d'affairement, d'apprêts, de cuisinages, de nettoyages, d'inquiétudes, de-peur-que-ça-ne-suffise-pas, de-peur-que-ça-ne-manque, de-peur-qu'on-ne-s'embête, puis le soir une petite église pas intimidante, qui se laissât emplir bienveillamment par les rires, les chuchotis, les confidences, les déclarations amoureuses, les médisances et la cacophonie gutturale d'un chantre bien d'attaque et aussi de gais copains et de franches luronnes et des cases aux entrailles riches en succulences, et pas regardantes, et l'on s'y parque une vingtaine, et la rue est déserte, et le bourg n'est plus qu'un bouquet de chants, et l'on est bien à l'intérieur, et l'on en mange du bon, et l'on en boit du réjouissant et il y a du boudin, celui étroit de deux doigts qui s'enroule en volubile, celui large et trapu, le bénin à goût de serpolet, le violent à incandescence pimentée, et du café brûlant et de l'anis sucré et du punch au lait, et le soleil liquide des rhums, et toutes sortes de bonnes choses qui vous imposent autoritairement les muqueuses ou vous les distillent en ravissements, ou vous les tissent de fragrances, et l'on rit, et l'on chante, et les refrains fusent à perte de vue comme des cocotiers :
Alleluia Kyrie eleison… leison… leison, Christe eleison… leison… leison.
Et ce ne sont pas seulement les bouches qui chantent, mais les mains, mais les pieds, mais les fesses, mais les sexes, et la créature tout entière qui se liquéfie en sons, voix et rythme. Arrivée au sommet de son ascension, la joie crève comme un nuage. Les chants ne s’arrêtent pas, mais ils roulent maintenant inquiets et lourds par les vallées de la peur, les tunnels de l’angoisse et les feux de l’enfer. Et chacun se met à tirer par la queue le diable le plus proche, jusqu’à ce que la peur s’abolisse insensiblement dans les fines sablures du rêve, et l’on vit comme dans un rêve véritablement, et l’on boit et l’on crie et l’on chante comme dans un rêve, et l’on somnole aussi comme dans un rêve avec des paupières en pétales de rose, et le jour vient velouté comme une sapotille, et l’odeur de purin des cacaoyers, et les dindons qui égrènent leurs pustules rouges au soleil, et l’obsession des cloches, et la pluie, les cloches… la pluie… qui tintent, tintent, tintent… | |
| | | Anaïs
Nombre de messages : 101 Age : 41 Date d'inscription : 07/06/2006
| Sujet: Re: COMPTE RENDU DE LA REUNION DU 11 DECEMBRE Dim 24 Déc - 18:03 | |
| NB pour Manon : quand tu parles de "faire pareil", tu penses a quoi ? Creer un blog aussi nourri que remue.net ou faire le meme atelier d'ecriture?
Encore 2 jours a attendre pour que je mette mes textes en ligne : je n'ai vraiment pas le courage de taper tout ca sur le clavier qwerty de mon paternel...
noyeux joel a tous | |
| | | Laurent
Nombre de messages : 6 Age : 40 Localisation : Paris Date d'inscription : 07/06/2006
| Sujet: Re: COMPTE RENDU DE LA REUNION DU 11 DECEMBRE Lun 25 Déc - 12:04 | |
| Textes de Maurice Blanchot
L'attente, l'oubli
"Croyez-vous qu'ils se souviennent?" - "Non, ils oublient." - "Croyez-vous que l'oubli soit la manière dont ils se souviennent ?" - "Non, ils oublient et ils ne gardent rien dans l'oubli." - " Croyez-vous que ce qui est perdu dans l'oubli soit préservé de l'oubli dans l'oubli de l'oubli ?" - "Non, l'oubli est indifférent à l'oubli." - "Alors, nous serons merveilleusement, profondément, éternellement oubliés ?" - "Oubliés sans merveille, sans profondeur, sans éternité."
L'écriture du désastre
=> Le désastre ruine tout en laissant tout en l'état. Il n'atteint pas tel ou tel, "je" ne suis pas sous sa menace. C'est dans la mesure où, épargné, laissé de côté, le désastre menace qu'il menace en moi ce qui est hors de moi, un autre que moi qui deviens passivement autre. Il n'y a pas atteinte du désastre, hors d'atteinte est celui qu'il menace, on ne saurait dire si c'est de près ou de loin - l'infini de la menace a d'une certaine manière rompu toute limite. Nous sommes au bord du désastre sans que nous puissions le situer dans l'avenir :il est plutôt toujours déjà passé, et pourtant nous sommes au bord ou sous la menace, toutes formulations qui impliqueraient l'avenir si le désastre n'était ce qui ne vient pas, ce qui a arrêté toute venue. Penser le désastre (si c'est possible, et ce n'est pas possible dans la mesure où nous pressentons que le désastre est la pensée), c'est n'avoir plus d'avenir pour le penser. Le désastre est séparé, ce qu'il y a de plus séparé. Quand le désastre survient, il ne vient pas. Le désastre est son imminence, mais puisque le futur, tel que nous le concevons dans l'ordre du temps vécu appartient au désastre, le désastre l'a toujours déjà retiré ou dissuadé, il n'y a pas d'avenir pour le désastre; comme il n'y a pas de temps ni d'espace où il s'accomplisse.
également :
=>Le désastre est ce temps où l'on ne peut plus mettre en jeu, par désir, ruse ou violence, la vie qu'on cherche, par ce jeu, à maintenir encore, temps où le négatif se tait et aux hommes a succédé l'infini calme (l'effervescence ) qui ne s'incarne pas et ne se rend pas intelligible.
Dernière édition par Laurent le Jeu 28 Déc - 23:52, édité 1 fois | |
| | | manon
Nombre de messages : 13 Date d'inscription : 22/06/2006
| Sujet: réponse ! Mar 26 Déc - 14:01 | |
| Anaïs : je pensais au même atelier d'écriture. On pourrait aussi envisager un atelier plus audacieux : images surréalistes et césairiennes -pas moins- ! | |
| | | Anaïs
Nombre de messages : 101 Age : 41 Date d'inscription : 07/06/2006
| Sujet: Re: COMPTE RENDU DE LA REUNION DU 11 DECEMBRE Mar 26 Déc - 17:57 | |
| Je pense qu'il n'y a pas besoin de nous pousser bien fort pour que l'on développe des images surréalistes... (cf. notre production lors des précédents ateliers). Toutefois faire des ateliers d'écriture à partir des textes (pastiches, écrire la suite, etc) est une bonne manière de se les approprier. Adopté ! | |
| | | Anaïs
Nombre de messages : 101 Age : 41 Date d'inscription : 07/06/2006
| Sujet: QUELQUES LETTRES DE NAPOLEON A JOSEPHINE Mar 26 Déc - 20:05 | |
| Toutes ne sont pas à retenir, et inversement il n'y a pas là toutes celles qui me semblaient intéressantes. Un premier (long) aperçu toutefois des lettres de Napo à Joséphine :
7 heures du matin
Je me réveille plein de toi. Ton portrait et le souvenir de l'enivrante soirée d'hier n'ont point laissé de repos à mes sens. Douce et incomparable Joséphine, quelle effet bizarre faite vous sur mon cœur ! Vous fâchez-vous ? Vous vois-je triste ? Êtes-vous inquiète ? mon âme est brisée de douleur, et il n'est point de repos pour votre ami... Mais en est-il donc davantage pour moi, lorsque, me livrant au sentiment profond qui me maîtrise, je puise sur vos lèvres, sur votre cœur, une flamme qui me brûle. Ah ! c'est cette nuit que je me suis bien aperçu que votre portrait n'est pas vous ! Tu pars à midi, je te verrai dans 3 heures. En attendant, mio dolce amor, reçois un millier de baiser ; mais ne m'en donne pas, car ils brûlent mon sang.
Nice, le 10 germinal
Je n'ai pas passé un jour sans t'aimer ; je n'ai pas passé une nuit sans te serrer dans mes bras ; je n'ai pas pris une tasse de thé sans maudire la gloire et l'ambition qui me tiennent éloigné de l'âme de ma vie. Au milieu des affaires, à la tête des troupes, en parcourant les camps, mon adorable Joséphine est seule dans mon cœur, occupe mon esprit, absorbe ma pensée. Si je m'éloigne de toi avec la vitesse du torrent du Rhône, c'est pour te revoir plus vite. Si, au milieu de la nuit, je me lève pour travailler, c'est que cela peut avancer de quelques jours l'arrivée de ma douce amie, et cependant, dans ta lettre du 23 au 26 ventôse, tu me traites de vous. Vous toi-même ! Ah ! mauvaise, comment as-tu pu écrire cette lettre ! Qu'elle est froide ! Et puis, du 23 au 26, restent quatre jours ; qu'as-tu fait, puisque tu n'as pas écrit à ton mari ?... Ah ! mon amie, ce vous et ces quatre jours me font regretter mon antique indifférence. Malheur à qui en serait la cause ! Puisse-t-il, pour peine et pour supplice, éprouver ce que la conviction et l'évidence (qui servit ton ami) me feraient éprouver ! L'Enfer n'a pas de supplice ! Ni les Furies, de serpents ! Vous ! Vous ! Ah ! que sera-ce dans quinze jours ?... Mon âme est triste ; mon cœur est esclave, et mon imagination m'effraie... Tu m'aimes moins ; tu seras consolée. Un jour, tu ne m'aimeras plus ; dis-le-moi ; je saurai au moins mériter le malheur... Adieu, femme, tourment, bonheur, espérance et âme de ma vie, que j'aime, que je crains, qui m'inspire des sentiments tendres qui m'appellent à la Nature, et des mouvements impétueux aussi volcaniques que le tonnerre. Je ne te demande ni amour éternel, ni fidélité, mais seulement... vérité, franchise sans bornes. Le jour où tu dirais «je t'aime moins» sera le dernier de ma vie. Si mon cœur était assez vil pour aimer sans retour, je le hacherais avec les dents. Joséphine, Joséphine ! Souviens-toi de ce que je t'ai dit quelquefois : la Nature m'a fait l'âme forte et décidée. Elle t'a bâtie de dentelle et de gaze. As-tu cessé de m'aimer ? Pardon, âme de ma vie, mon âme est tendue sur de vastes combinaisons. Mon cœur, entièrement occupé par toi, a des craintes qui me rendent malheureux... Je suis ennuyé de ne pas t'appeler par ton nom. J'attends que tu me l'écrives. Adieu ! Ah ! si tu m'aimes moins, tu ne m'auras jamais aimé. Je serais alors bien à plaindre.
P.-S. - La guerre, cette année, n'est plus reconnaissable. J'ai fait donner de la viande, du pain, des fourrages ; ma cavalerie armée marchera bientôt. Mes soldats me marquent une confiance qui ne s'exprime pas ; toi seule me chagrine ; toi seule, le plaisir et le tourment de ma vie. Un baiser à tes enfants dont tu ne parles pas ! Pardi ! cela allongerait tes lettres de moitié. Les visiteurs, à dix heures du matin, n'auraient pas le plaisir de te voir. Femme !!!
Vérone, premier jour complémentaire
Je t'écris, ma bonne amie, bien souvent, et toi peu. Tu es une méchante et une laide, bien laide, autant que tu es légère. Cela est perfide, tromper un pauvre mari, un tendre amant ! Doit-il perdre ses droits parce qu'il est loin, chargé de besogne, de fatigue et de peine ? Sans sa Joséphine, sans l'assurance de son amour, que lui reste-t-il sur la terre ? Qu'y ferait-il ? Nous avons eu hier une affaire très sanglante ; l'ennemi a perdu beaucoup de monde et a été complètement battu. Nous lui avons pris le faubourg de Mantoue. Adieu, adorable Joséphine ; une de ces nuits, les portes s'ouvriront avec fracas : comme un jaloux, et me voilà dans tes bras. Mille baisers amoureux.
Vérone, le 1er frimaire, an V
Je vais me coucher, ma petite Joséphine, le cœur plein de ton adorable image, et navré de rester tant de temps loin de toi ; mais j'espère que, dans quelques jours, je serai plus heureux et que je pourrai à mon aise te donner des preuves de l'amour ardent que tu m'as inspiré. Tu ne m'écris plus ; tu ne penses plus à ton bon ami, cruelle femme ! Ne sais-tu pas que sans toi, sans ton cœur, sans ton amour, il n'est pour ton mari ni bonheur, ni vie. Bon Dieu ! Que je serais heureux si je pouvais assister à l'aimable toilette, petite épaule, un petit sein blanc, élastique, bien ferme ; par-dessus cela, une petite mine avec le mouchoir à la créole, à croquer. Tu sais bien que je n'oublie pas les petites visites ; tu sais bien, la petite forêt noire. Je lui donne mille baisers et j'attends avec impatience le moment d'y être. Tout à toi, la vie, le bonheur, le plaisir ne sont que ce que tu les fais. Vivre dans une Joséphine, c'est vivre dans l'Élysée. Baiser à la bouche, aux yeux, sur l'épaule, au sein, partout, partout !
Vérone, le 3 frimaire
Je ne t'aime plus du tout ; au contraire, je te déteste. Tu es une vilaine, bien gauche, bien bête, bien cendrillon. Tu ne m'écris pas du tout, tu n'aimes pas ton mari ; tu sais le plaisir que tes lettres lui font, et tu ne lui écris pas six lignes jetées au hasard ! Que faites-vous donc toute la journée, madame ? Quelle affaire si importante vous ôte le temps d'écrire à votre bien bon amant ? Quelle affection étouffe et met de côté l'amour, le tendre et constant amour que vous lui avez promis ? Quel peut être ce merveilleux, ce nouvel amant qui absorbe tous vos instants, tyrannise vos journées et vous empêche de vous occuper de votre mari ? Joséphine, prenez-y garde, une belle nuit, les portes enfoncées, et me voilà. En vérité, je suis inquiet, ma bonne amie, de ne pas recevoir de tes nouvelles ; écris-moi vite quatre pages, et de ces aimables choses qui remplissent mon cœur de sentiment et de plaisir. J'espère qu'avant peu je te serrerai dans mes bras, et je te couvrirai d'un million de baisers brûlants comme sous l'équateur.
Camp de Boulogne, le 25 thermidor, an XIII
J'ai voulu savoir comment on se portait à la Martinique. Je n'ai pas souvent de vos nouvelles. Vous oubliez vos amis ; ce n'est pas bien. Je ne savais pas que les eaux de la Plombières eussent la vertu du fleuve Léthé. Il me semble que c'est en buvant ces eaux de Plombières que vous disiez : «Ah ! Bonaparte, si je meurs, qui est-ce qui t'aimera ?» Il y a bien loin de là, n'est-ce pas ? Tout finit, la beauté, l'esprit, le sentiment, le soleil lui-même ; mais ce qui n'aura jamais de terme, c'est le bien que je veux, le bonheur dont jouit... et la bonté de ma Joséphine. Je ne serai pas plus tendre si vous en faites des risées. Adieu, mon amie, j'ai fait hier attaquer la croisière anglaise ; tout a bien été.
Brunn, le 28 frimaire, an XIV
Grande Impératrice, pas une lettre de vous depuis votre départ de Strasbourg. Vous avez passé à Bade, à Stuttgart, à Munich, sans nous écrire un mot. Ce n'est pas bien aimable, ni bien tendre ! Je suis toujours à Brunn. Les Russes sont partis ; j'ai une trêve. Dans peu de jours, je verrai ce que je deviendrai. Daignez, du haut de vos grandeurs, vous occuper un peu de vos esclaves.
Géra, le 13 octobre 1806, à 2 heures du matin
Je suis aujourd'hui à Géra, ma bonne amie ; mes affaires vont fort bien, et tout comme je pouvais l'espérer. Avec l'aide de Dieu, en peu de jours cela aura pris un caractère bien terrible, je crois, pour le pauvre roi de Prusse, que je plains personnellement, parce qu'il est bon. La reine est à Erfurt, avec le roi. Si elle veut voir une bataille, elle aura ce cruel plaisir. Je me porte à merveille ; j'ai déjà engraissé depuis mon départ ; cependant je fais, de ma personne, vingt et vingt-cinq lieues par jour, à cheval, en voiture, de toutes les manières. Je me couche à huit heures, et suis levé à minuit ; je songe quelquefois que tu n'es pas encore couchée. Tout à toi.
.
J'ai reçu ta lettre, où tu me parais fâchée du mal que je dis des femmes; il est vrai que je hais les femmes intrigantes au-delà de tout. Je suis accoutumé à des femmes bonnes, douces et conciliantes; ce sont celles que j'aime. Si elles m'ont gâté, ce n'est pas ma faute, mais la tienne. Au reste, tu verras que j'ai été fort bon pour une qui s'est montrée sensible et bonne, madame d'Hatzfeld. Lorsque je lui montrai la lettre de son mari, elle me dit en sanglotant, avec une profonde sensibilité, et naïvement : Ah! c'est bien là son écriture ! Lorsqu'elle lisait, son accent allait à l'âme; elle me fit peine. Je lui dis: Eh bien ! Madame, jetez cette lettre au feu, je ne serai plus assez puissant pour faire punir votre mari. Elle brûla la lettre, et me parut bien heureuse. Son mari est depuis fort tranquille: deux heures plus tard, il était perdu.
Tu vois donc que j'aime les femmes bonnes, naïves et douces; mais c'est que celles-là seules te ressemblent.
Adieu, mon amie, je me porte bien. Napoléon
Posen, le 3 décembre, 6 heures du soir
Je reçois ta lettre du 27 novembre, où je vois que ta petite tête s'est montée. Je me suis souvenu de ce vers : Désir de femme est un feu qui dévore. Il faut cependant te calmer. Je t'ai écrit que j'étais en Pologne, que, lorsque les quartiers d'hiver seraient assis, tu pourrais venir ; il faut donc attendre quelques jours. Plus on est grand et moins on doit avoir de volonté ; l'on dépend des événements et des circonstances. Tu peux aller à Francfort et à Darmstadt. J'espère sous peu de jours t'appeler ; mais il faut que les événements le veuillent. La chaleur de ta lettre me fait voir que vous autres jolies femmes vous ne connaissez pas de barrières ; ce que vous voulez, doit être ; mais moi, je me déclare le plus esclave des hommes : mon maître n'a pas d'entrailles, et ce maître c'est la nature des choses. Adieu, mon amie ; porte-toi bien. La personne dont je t'ai voulu parler est Madame L..., dont tout le monde dit bien du mal : l'on m'assure qu'elle était plus Prussienne que Française. Je ne le crois pas ; mais je la crois une sotte qui ne dit que des bêtises.
Friedland, le 15 juin
Mon amie, je ne t'écris qu'un mot, car je suis bien fatigué ; voilà bien des jours que je bivouaque. Mes enfants ont dignement célébré l'anniversaire de la bataille de Marengo. La bataille de Friedland sera aussi célèbre et est aussi glorieuse pour mon peuple. Toute l'armée russe mise en déroute, 80 pièces de canon, 30.000 hommes pris ou tués ; 25 généraux russes tués, blessés ou pris ; la garde russe écrasée : c'est une digne sœur de Marengo, Austerlitz, Iéna. Le Bulletin te dira le reste. Ma perte n'est pas considérable ; j'ai manœuvré l'ennemi avec succès. Sois sans inquiétude et contente. Adieu, mon amie ; je monte à cheval.
Tilsitt, le 6 juillet
J'ai reçu ta lettre du 25 juin. J'ai vu avec peine que tu étais égoïste, et que les succès de mes armes seraient pour toi sans attraits. La belle reine de Prusse doit venir dîner avec moi aujourd'hui. Je me porte bien, et désire beaucoup te revoir, quand le destin l'aura marqué. Cependant, il est possible que cela ne tarde pas. Adieu, mon amie ; milles choses aimables.
Dresde, le 18 juillet, à midi
Mon amie, je suis arrivé hier à cinq heures du soir à Dresde, fort bien portant, quoique je sois resté cent heures en voiture, sans sortir. Je suis ici chez le roi de Saxe, dont je suis fort content. Je suis donc rapproché de toi de plus de moitié du chemin. Il se peut qu'une de ces belles nuits, je tombe à Saint-Cloud comme un jaloux ; je t'en préviens. Adieu, mon amie ; j'aurai grand plaisir à te revoir. Tout à toi.
Erfurt, octobre 1808
Mon amie, je t'écris peu ; je suis fort occupé. Des conversations de journées entières, cela n'arrange pas mon rhume. Cependant tout va bien. Je suis content d'Alexandre ; il doit l'être de moi : s'il était femme, je crois que j'en ferais mon amoureuse. Je serai chez toi dans peu ; porte-toi bien, et que je te trouve grasse et fraîche. Adieu, mon amie. | |
| | | Contenu sponsorisé
| Sujet: Re: COMPTE RENDU DE LA REUNION DU 11 DECEMBRE | |
| |
| | | | COMPTE RENDU DE LA REUNION DU 11 DECEMBRE | |
|
Sujets similaires | |
|
| Permission de ce forum: | Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
| |
| |
| |